Les Compagnons du Devoir proposent un CQP “Installateur mainteneur des systèmes de ventilation”. Entretien avec Pierre Vaillard, chargé de mission sur les enjeux liés à la ventilation dans les bâtiments individuels et collectifs.
Quels sont les enjeux autour de la ventilation ?
Pierre Vaillard : au niveau national, il n’y a pas d’obligation sur le taux de CO2 dans un bâtiment, mais on estime qu’un bon taux de CO2 se situe entre 600 et 800 PPM (parties par million). L’OMS pose le seuil maximal préconisé à 1000 PPM. Aujourd’hui, sur certains bâtiments, on a des difficultés à descendre en dessous des 1200 / 1300 PPM. Aujourd’hui, la ventilation a un impact sur l’accumulation des polluants.
Plusieurs impacts ressortent.
L’impact au niveau de la construction : aujourd’hui, on crée des bâtiments qui sont de plus en plus étanches et efficients au niveau énergétique. Ça passe par une isolation accrue. Un bâtiment mal ventilé va être chargé en humidité et en polluant, ce qui peut entrainer la dégradation du bâtiment aussi bien dans l’habitat que dans le tertiaire. Toutefois, on exploite les bâtiments neufs très rapidement. Bâtiments qui larguent énormément de polluants sur les premières années d’utilisation. Ces polluants ont un impact négatif. Même ceux considérés comme sains par rapport à une étiquette d’émissivité. Si la ventilation n’est pas optimale, l’accumulation des polluants entraîne des dégradations et, dans certains cas, des maladies graves, ce qui nous amène au deuxième point.
L’impact au niveau de la santé : ces dégradations peuvent avoir des répercussions sur la santé des occupants. On passe en moyenne 85 à 90 % de notre temps dans des espaces clos (habitat, lieu de travail, transports…). L’accumulation de polluant dans un bâtiment mal ventilé peut entrainer des difficultés au niveau cognitif (fatigue accrue, maux de tête…) et respiratoire (asthme…) voire, dans des cas extrêmes, des cancers.
L’impact économique : cet enjeu de santé publique est complété par un enjeu économique, puisque selon les derniers chiffres, la qualité d’air intérieur coute environ 19 milliards d’euros par an à la Sécurité sociale et donc indirectement au contribuable.
Et en terme d’environnement ?
Pierre Vaillard : c’est aussi un des enjeux. Si on rentre dans la partie technique et pratique, d’un point de vue thermique, un bâtiment mal ventilé consomme plus d’énergie qu’un bâtiment bien ventilé. Un bâtiment chargé en humidité, par exemple, va avoir besoin de plus d’énergie pour monter et être maintenu en température. Le principe de la VMC (Ventilation Mécanique Contrôlée) consiste à contrôler les débits qu’on fait entrer et sortir d’un bâtiment afin de maitriser un flux d’air et d’avoir un contrôle thermique sur le bâtiment. Il existe donc des notions d’efficacité thermique. Aujourd’hui, notamment dans des bâtiments BEPOS (bâtiment à énergie positive) ou passifs, le système de ventilation peut être une réelle alternative à des systèmes de chauffage, voire à des systèmes de rafraichissement de climatisation. Quand on les exploite de manière intelligente, bien entendu, car un système de ventilation mal dimensionné et mal régulé ne fera pas de miracle. Il y a un réel enjeu également en terme d’environnement énergétique.
Il y a donc l’impact visible tel que des taches d’humidité ou des champignons et l’impact invisible avec le CO2 ?
Pierre Vaillard : le CO2 et d’autres polluants. Le CO2 nous permet de cerner tous les autres polluants qu’on peut éventuellement retrouver dans le bâtiment. On estime qu’en moyenne, nous sommes confrontés à entre 5000 et 6000 polluants constamment. On se sert du CO2, puisque c’est une molécule facile à détecter, pour évaluer le niveau de pollution. Parmi les plus dangereux, on retrouve les benzène, formaldéhyde qui sont pour certains classés comme cancérogènes. Ce ne sont ni plus ni moins que des résidus de production . On les retrouve dans certains vernis ou dans les peintures et beaucoup dans les tissus.
Compte tenu de ces enjeux de santé publique, économiques et environnementaux, comment expliquer qu’il y ait si peu de formations proposées ?
Pierre Vaillard : l’exemple le plus marquant est celui du verre d’eau. Si demain je vous sers un verre d’eau, que j’y mets du pollen, de la poussière… Vous n’allez pas le boire. En revanche, sachez que vous respirez la même chose. La grosse différence, c’est que vous ne le voyez pas et, à partir du moment où on ne voit pas quelque chose, on ne le prend pas en compte.
La dégradation de l’air extérieur explique pourquoi on prend davantage en compte la qualité d’air intérieur. Si en dehors la pollution augmente intrinsèquement, elle augmente en intérieur. L’aspect santé joue également. Nous sommes entourés de perturbateurs endocriniens et on se rend compte qu’une mauvaise manipulation peut accentuer ce phénomène.
L’aspect financier pourrait également être un facteur explicatif. Aujourd’hui, on sait combien coute un M3 d’eau, 1 L d’essence aussi. Par contre, quel est le prix d’1 M3 d’air propre ? L’air n’est pas quantifiable et donc pas finançable, ce qui conduit à un désintérêt sociétal. C’est une interprétation de ma part, mais à mon avis, ça peut expliquer pourquoi on y prête moins attention. Sur l’aspect financier, les assurances ont joué un rôle. Aujourd’hui, elles refusent de payer pour des bâtiments neufs qui, au bout de 6 mois, commencent déjà à se dégrader, voire à pourrir. Ils ont gentiment tapé sur les doigts de la filière pour que des actions soient mises en place.
Toutes ces choses mises bout à bout ont conduit à une prise de conscience, une sensibilisation et une démocratisation du sujet. La réglementation a évolué et nous avons été obligés, à l’image des règlementations thermiques, de faire quelque chose de drastique. La RE 2020 est très complexe à appliquer et un système de ventilation, bien géré, peut permettre d’y accéder. Aujourd’hui, les installations de ventilation doivent être contrôlées par des personnes habilitées par un agrément de chez Qualibat. Toutefois, le nombre de personnes habilitées reste faible puisqu’ils sont à peine 200 sur tout le territoire.
Notre objectif en proposant ces modules était de rassurer, de lutter contre la peur et d’indiquer que les professionnels montent en compétences sur ces problématiques et qu’ils seront ensuite en capacité de conseiller sur les meilleures options.
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